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Avec Joël Atger, en direct de Millau (Aveyron)

Cette période de confinement, Joël Atger, marchand de presse depuis 25 ans à Millau, s’y était presque habitué. « Au début c’était dur pour les affaires pour mon épouse et moi-même. Les premières semaines, je n’en dormais pas la nuit ! Maintenant, j’y vois un côté positif avec plus de temps libre. Et un retour à des horaires normaux. Quand même, passer de 70 heures à 35 heures par semaine, c’est énorme ! », explique celui qui est aussi président de Culture Presse pour la délégation de Millau.

Aspect positif de cette situation, malgré « trois à quatre fois moins de clients par jour » et un désintérêt pour les guides de voyage à l’approche de l’été : son magasin multi-services est devenu un point névralgique de la ville. « Au delà du Loto, j’ai la librairie avec France Loisirs, la papeterie, la presse, la reproduction de clés - je suis le seul à proposer ce service dans le coin - et les colis. Rien qu’avec le pick-up service, qui comble la fermeture des enseignes de bricolage, j’ai eu 250 colis par jour la semaine dernière! Avec des gens qui acceptent de faire la queue dehors », explique t-il. « Ce service nous a ramené des clients d’antan, qui venaient lorsqu’ils étaient petits. Des jeunes, aussi, qui n’arrêtent pas de cliquer sur internet par exemple ! C’est bien, je trouve. Ça veut dire qu’il faudra s’adapter à ces profils, faire évoluer le magasin. Parce que le panier moyen a augmenté et qu’on vend des titres qu’on ne vendait pas avant ». Ainsi, on ne vient plus pour la presse randonnée, discipline pratiquée dans la région, mais pour « des revues plus chères, pointues, d’Histoire ou de sciences ». 

Alors, pour faire venir du monde, ce gérant a développé une technique tout aussi infaillible que solidaire. « En plus du magasin et de la presse, qui est un produit essentiel, le local de 40 m²qui nous sert de réserve et de bureau a été converti en drive maraîcher au rythme de deux jours par semaine. Fruits, légumes, charcuterie, volaille, oeufs, ça permet de soutenir le monde agricole qui ne peut pas vendre sur les marchés. C’est simple, il suffit de commander sur internet et de passer au magasin récupérer les denrées ». Résultat, les riverains sont comblés : « on découvre quelque chose qu’on pourra faire perdurer l’été, ou a plus long terme. C’est mieux quand c’est produit local' et fait maison, non ? ».

Côté hygiène en revanche, Joël Atger compte plutôt sur le savoir-vivre que sur les accessoires de protection : « On n'a pas mis de masques ou de gants. Mais on a une poubelle qui sert de repère de distanciation au milieu du magasin. J’avoue observer un petit relâchement chez les clients mais ils restent respectueux. Et on continue de se laver les mains régulièrement. Vous savez, ça ne sert à rien de se déguiser avec des masques, ou de faire polémique. Au fond, c’est une question d’éducation. Il faut prendre l’habitude de vivre avec et faire attention. On fait partie des générations qui ont connu des virus terribles, voire qui n’existent plus. Eh bien, il a fallu s’adapter ! ».

Pour lui en réalité, cette crise sanitaire viendra peut-être remettre en cause les habitudes et les modes de consommation. Et redonner leurs lettres de noblesse aux marchands de presse et aux commerçants qui font l’effort de maintenir leur activité. « J’ai des clients qui viennent à 7 heures du matin, d’autres tous les jours. Je leur dis que je reste ouvert, et qu’on se fera la bise quand on pourra. J’espère qu’ils se souviendront de ces temps-là. Même si je pars bientôt à la retraite, si dans dix ans on commande tout sur internet, on n'aura plus cette ambiance authentique et les petits commerces se perdront ! La dématérialisation, de la presse notamment, c’est pratique, mais il ne faut pas oublier que le rapport à l’humain évolue aussi. Quand je pense qu’il y a 20 ans, au moment de la construction du Viaduc de Millau j’avais 1 500 clients par jour en caisse… Eh bien il faut espérer que les gens visiteront la France cet été et la région ! ».

Par ailleurs, Joël Atger estime que son implication a été valorisée au travers des actions du réseau marchand. « Culture Presse donne et vient régulièrement aux nouvelles, tout comme les commerciaux FDJ. Ça fait du bien de savoir que cet ensemble de petites mains apporte sa contribution, sans compter la crise Presstalis. Ça fait du bien de voir qu’on les intéresse, de sentir qu’on est là. Parce que c’est dans la galère qu’on se retrousse les manches ! ». Une chose est sûre en tout cas, Joël a de la ressource. Et lorsque les affaires ne vont pas, il sait où trouver du réconfort : « je vais voir mes ânes et me promener dans les vergers ».