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L’interview de Matthias Gurtler, directeur de la rédaction d’Harper’s Bazaar France, pour le lancement du magazine

Harper's Bazaar

L’iconique magazine de mode américain Harper’s Bazaar dépose enfin ses bagages en France. Lancé en 1867, le mensuel a déjà bâti le plus gros de sa légende. Peu de titres peuvent se targuer d’avoir une aussi grande longévité dans le milieu. Dans la seconde moitié du XXe siècle, Harper’s Bazaar s’est imposé comme l’un des plus grands titres presse axé sur la mode de luxe.

Précurseur, innovant, engagé… Le magazine jouit d’un succès fou. Cela fait plusieurs décennies que l’influence de la publication a dépassé les frontières de New York. Pourtant, notre cher Hexagone a longtemps effeuillé la marguerite avant d’être récompensé. Après un rendez-vous manqué en 2013 avec le groupe Marie Claire, Hearst Magazines International a accepté de confier son bijou au groupe Prisma Media. À l'occasion du lancement du premier numéro, Matthias Gurtler nous a accordé une interview. Le directeur de la rédaction s’est livré sur l’arrivée de la licence en France.

Comment s’est déroulée l’arrivée de Harper’s Bazaar en France ?

L’aventure est née au début de l’été 2022 quand Claire Léost (présidente de Prisma Media) et Arnaud de Puyfontaine (président du directoire de Vivendi) ont proposé le concept d’un lancement d’Harper’s Bazaar en France. On cherchait à développer de nouvelles marques et on voulait aussi travailler dans l’univers de la presse de mode et du luxe. Après le Festival de Cannes, j’ai discuté avec la direction de Prisma Media et de Vivendi. Ensemble, on se demandait comment on pouvait creuser dans ce segment de presse. Le secteur n’a pas évolué depuis très longtemps. Pourtant, il y a une très forte désirabilité. On le constate avec les files d'attente et les chiffres d’affaires des magasins de luxe et de mode qui augmentent. Il était difficile de lancer une marque de but en blanc, il y a pour autant une licence iconique de cette gamme qui existe depuis 155 ans et qui n’a jamais vu le jour en France. C’est Harper’s Bazaar. 

Le lien avec Hearst s'est fait facilement par l'intermédiaire d’Arnaud de Puyfontaine qui a dirigé Hearst Europe il y a quelques années. Je les ai rencontrés et j’ai préparé un projet éditorial qui repose sur le fait que 100 % du contenu serait produit par notre rédaction locale, pour être efficace et cohérent auprès du marché français. Je les ai convaincus en basant mon projet sur les grands axes de l’ADN d’Harper’s Bazaar qui est fondé sur l’innovation et l’embarquement de nombreux artistes. Je voulais qu’on reprenne cela.     

Comment avez-vous constitué votre équipe et préparé ce premier numéro ?

En septembre, j’ai recruté Olivier Lalane comme rédacteur en chef car il en avait l’expertise après ses années au Vogue. Ensuite, on a constitué l’équipe. J’ai appelé de nombreux experts et des personnes de Prisma Media sont aussi venues. La rédaction s’est installée à Paris pour qu’on soit au plus près des maisons de luxe. Une fois que l’équipe était formée, on a commencé la production du n°1 en décembre, qu’on a bouclé début février. 

Pour ce lancement, c’est le photographe Mario Sorrenti qui a réalisé les couvertures. D’un côté, Harper’s Bazaar se doit de faire appel à de grands noms, de l’autre, vous voulez aussi soutenir et fidéliser les jeunes créateurs qui émergent. Comment avez-vous prévu de concilier les deux ?   

C’est un équilibre qu’il faut savoir doser. Il faut toujours avoir les acteurs et les actrices de la mode, les références de cet univers qui s'expriment à travers des photos, des textes, ou en posant pour nous au sein du magazine. Mais notre vocation c’est aussi de lancer de nouveaux artistes. Cela fait partie de l’ADN du titre. Harper’s Bazaar a lancé les carrières de nombreux mannequins et de nombreux grands photographes qui sont devenus des icônes comme Richard Avedon. Si on peut trouver le nôtre, c’est parfait. Voilà pourquoi on souhaite donner la possibilité de s’exprimer à de jeunes talents dans chaque numéro. Je pense que c'est cet équilibre qui fera d’Harper’s Bazaar France un magazine bien dans son époque. 

Harper’s Bazaar est un très gros nom et par conséquent, le numéro est très attendu dans le réseau. Concrètement, quels sont les objectifs du titre ?  

Il y en a deux. On ne crée pas un magazine par hasard. On l'a fait parce qu’on pense que la mode est un secteur où il y a un vrai désir de mieux le connaître et de découvrir ses tendances. On doit répondre à cette demande qui ne tarit pas mais qui, au contraire, grandit. On veut s’adresser à une large cible qui sera plutôt féminine, citadine et CSP+. Si Harper’s Bazaar France coûte 4,90 €, ce qui est un prix abordable, avec un premier tirage à 150 000 exemplaires et propose un plan de promotion aussi conséquent, c'est qu’on souhaite que le plus grand nombre puisse y avoir accès. 

Dans votre première parution, il y a la participation de Bernard-Henri Lévy et de l’actrice iranienne Golshifteh Farahani. On découvre aussi des hommes et des femmes de lettres comme Florian Zeller, Emma Becker et Catherine Millet. Est-ce que le magazine a la volonté et l’ambition d’aller au-delà de la mode et du luxe ?   

Pour nous, la mode s’inscrit complètement dans un univers culturel. Quand on parle de Paris on parle de la ville pour ses musées, ses monuments, son cinéma, mais également pour la mode. Tout cela est mis sur le même plan de valorisation du savoir-faire parisien et français. Pour nous, parler de mode c’est parler de culture. Faire le lien entre les deux est tout naturel. D’ailleurs, cela fait un moment que l’univers de la mode le fait. Aujourd’hui beaucoup de maisons comme Chanel ou Cartier développent des expositions dans des musées. Certains créent des galeries d’art dans leur boutique, c’est notamment le cas de la boutique Dior au 30 avenue Montaigne. Le storytelling que construisent ses marques de luxe passe par le biais culturel. C’était essentiel qu’Harper’s Bazaar France ait ce genre de pages avec des artistes qui peuvent s’exprimer sur un ton long et sur des sujets plus engagés.

Si vous aviez un message à faire passer aux marchands de presse et aux libraires, ce serait quoi ? 

Vous êtes nos ambassadeurs et nos ambassadrices. Sur le terrain vous avez cette chance de rencontrer notre lectorat. Développons ensemble ce beau projet car tout le monde sera gagnant. Harper’s Bazaar France est un formidable objet de presse capable de dynamiser toute la filière et tout le réseau. C’est un magazine qui est aspirationnel et qui propose aux lectrices et aux lecteurs de s'évader en passant du temps sur l’ouvrage. Faisons du titre une réussite.