Sur le terrain avec Emmanuel Bonnaud à Villenave d'Ornon (Gironde)

A l’heure du déconfinement, les marchands de presse doivent désormais faire face à une nouvelle crise : celle de la distribution. C’est en tout cas le sentiment partagé par de nombreux commerçants, qui après huit semaines d’activités perturbées, doivent s’adapter face au manque de papier dans les rayons. C’est notamment le cas d’Emmanuel Bonnaud, propriétaire d’un magasin dans la petite ville Villenave d'Ornon, près de Bordeaux (Gironde).

« Le confinement ? Ce fut long. Même si nous avons quand même eu la chance de pouvoir travailler et continuer notre activité. Et on pensait pouvoir repartir, mais là… avec la presse en moins… ! ». Depuis mardi 12 mai, la situation délicate de la messagerie Presstalis a privé de nombreux commerces de journaux et de magazines. Une situation délicate, que le gérant a du mal a accepté. « Je ne comprends pas comment ils ont pu en arriver là. Comment ils n’ont pas pu réagir avant ! Je ne crois pas qu’il y ait en France de structure aussi importante qui soit autant impacté à l’heure actuelle, et ce dans n’importe quelle domaine. C’est une cause nationale, qui touche énormément de commerçants ». Du côté des clients, on reste informé. « Depuis mardi, certaines personnes demandent pourquoi. Alors on leur explique, sans trop rentrer dans les détails, en leur disant que c’est par rapport aux dépôts ».

Ancien responsable de négoce de matériaux, Emmanuel Bonnaud s’est lancé dans la presse il y a quatre ans. Désormais bien implanté dans son quartier, il regrette tout de même certains points dans le système de distribution. « Nous avons au final moins de stocks en comparaison à certaines grandes surface qui vendent aussi de la presse. C’est aberrant. Pour eux, c’est un produit comme un autre et les clients l’achètent en même temps que d’autres choses. Pour nous, la presse est un produit d’appel ».

Des périodes difficiles qui se succèdent et un chiffre d’affaire  irrémédiablement en baisse. « On a presque perdu 70% du chiffre d’affaire » nous explique Emmanuel, qui travaille avec sa femme au magasin. « Pendant le confinement, nous sommes restés ouverts toute la semaine, avec des horaires adaptées : 9h le matin au lieu de 8h ; une pause entre 12h30 et 15h ; et une fermeture à 18h au lieu de 19h ». Des changements presque obligatoires pour s’adapter au nouveau rythme des clients, moins nombreux. « Même si ce lundi, on a retrouvé du monde. On a vu des sourires. Cela fait du bien ».

De ce confinement, le commerçant en retiendra la solidarité qui s’est mise en place et le lien social entretenu avec certains. Mais aussi quelques « clash » et autres brimades à l’encontre de personnes un peu tendues. « On essaye de rester neutre. Même si j’ai été obligé de faire la police quelques fois » nous glisse Emmanuel en riant. Grâce à une artisan local, le marchand de presse a également pu vendre des masques en tissu. Des masques qui n’étaient pas obligatoires à l’intérieur dans l'espace de vente. « Entre ceux qui l’enlèvent pour vous parler, ceux qui ne veulent pas le mettre etc. On garde juste notre distance, on évite de prendre la monnaie de main à main et on se lave bien les mains. Pour le reste… Tout le monde touche les magazines et on ne peut pas tous les laver. Ce n’est que mon avis, mais je me dis que si le virus devait être là, on n’y pourrait pas grand-chose. »