Trois questions à Eric Fottorino, directeur du 1

Le 1 a publié hier un numéro spécial sous le titre "Aux kiosques citoyens !". Son directeur Eric Fottorino, qui avait lancé un appel à l'abonnement face aux difficultés de la messagerie Presstalis, s'explique et réaffirme son attachement au réseau. 

Votre appel à l'abonnement pour Le 1 n'a pas été vraiment compris par le réseau...

Il y a un mois, lorsque j'ai su que dans le cadre du plan de redressement de Presstalis nos recettes allaient être ponctionnées de 2,25 % pendant cinq ans, ce qui s'ajoutait à un premier prélèvement de 25 % en fin d'année dernière, j'ai dû faire face à une urgence. Mon idée était de demander à ceux qui étaient déjà abonnés au 1 de trouver une personne supplémentaire à abonner. Cela pouvait paraître contre-productif du point de vue du réseau, je le conçois. Mais pour continuer à paraître dans les points de vente, le 1 avait besoin d'une mobilisation immédiate, qui nous assurerait une visibilité et une année de trésorerie. Sans ce sursaut, nous risquions de ne plus paraître nulle part. Cela correspondait à une urgence, à un moment donné de notre histoire. Mais nous approchons de notre 200ème numéro, et chacun sait que j'ai toujours appelé les lecteurs à aller chez les marchands de journaux.

Vous réaffirmez donc votre engagement auprès des marchands ?

Le numéro que nous publions cette semaine, avec un appel très explicite sous le titre "Aux kiosques citoyens !", en est la preuve même ! Selon moi, la démocratie se voit au jour le jour dans l'espace public : si l'on veut lutter contre l'entre-soi, contre l'enfermement dans des bulles numériques, il nous faut des lieux physiques d'exposition de la diversité de la pensée. Et je ne connais rien de mieux que les points de vente de presse pour cela. Mais les décisions prises dans le cadre du plan de redressement de Presstalis laissent selon moi penser que le numérique a gagné et que le papier n'est plus un modèle viable. Plus on affaiblira les petits éditeurs indépendants, plus ils seront nombreux à disparaître. Mais cela constitue aussi selon moi un danger pour les marchands. 

Que vous inspire une éventuelle réforme de la loi Bichet ?

Je suis assez partagé. Il y a un constat : la loi Bichet a permis de donner pignon sur rue à des journaux qui n'en sont pas vraiment, qui abusent du système sans en payer les coûts. Et il y a urgence à libérer les marchands des contraintes liées à la gestion d'un certain nombre de ces titres. Mais si ce constat doit nous amener à ce que les marchands décident seuls des titres qu'ils doivent avoir ou pas, je pense que cela aboutirait à une concentration de l'offre qui pourrait nuire au pluralisme de la presse. Je suis pour que la loi Bichet soit toilettée pour qu'elle corresponde à son époque et qu'elle permette aux marchands de bien faire leur travail. Mais il faut être très prudent pour éviter des effets pervers excessifs.